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27Mar/17

Aux frontières de nos clics

Internet nous abreuve d’informations constamment, que nous soyons à la quête desdites informations ou non. Lors de nos recherches d’informations via tel ou tel moteur de recherche, des suggestions sont proposées pour répondre « au mieux » à notre requête. Les algorithmes doivent alors donner la réponse la plus précise possible avec une certaine impartialité. Cette impartialité dans l’accès aux contenus est primordiale.

En France, la loi essaie de garantir cette impartialité en érigeant en principe la neutralité du net. Par ailleurs, bien des pays se sont pourvus d’un organe d’observation, parfois régulateur, appelé ici CNIL, là CNPD, afin de réguler l’utilisation des données des citoyens, que ce soit par les organismes publics ou par les entreprises privées. L’encadrement de la collecte et de l’utilisation des données est crucial pour défendre l’impartialité des informations délivrées.

En effet, il ne faut pas sous-estimer les informations capitales obtenues sur nous à travers la collecte directe ou indirecte de nos données personnelles. L’on doit ne pas perdre de vue que le moindre clic permet de nous profiler. Une perte de contrôle sur nos données personnelles peut nous nuire. On peut certes prétendre qu’on a rien à craindre de l’usage de nos renseignements car on n’a rien à cacher. Néanmoins, détrompons-nous : la collecte de nos données a des conséquences plus lourdes et des enjeux bien plus colossaux. Il suffit de voir la valorisation des entreprises qui en font le commerce, telle Google, passée première capitalisation boursière dernièrement, pour s’en convaincre.

La marchandisation de nos données est en plein boom depuis la décennie dernière et ne cesse de croître. Elle se fait souvent à notre insu et toujours à nos dépends. Il est vrai que certains moteurs de recherche, comme DuckDuckGo ou Qwant, se sont positionnés avec l’argument de protéger la vie privée. Il n’empêche que ces moteurs collectent également des données pour se financer. La différence avec les autres se trouve dans le fait que la commercialisation de leurs statistiques se fait après une certaine anonymisation des données-utilisateur. Les résultats de nos recherches peuvent y paraître ainsi moins pertinents. C’est le signe qu’une certaine impartialité est assurée par rapport à notre profil.

De plus en plus de sites nous proposent des suggestions qui ne sont pas directement sollicitées par une recherche. Ces offres s’appuient pourtant sur notre historique de navigation, notre profilage. Il est déjà intrusif qu’on nous propose des publicités de chaussures parce que notre dernière recherche était un cordonnier. Mais les limites de l’invasion sont franchies lorsque Internet nous connaît si bien qu’il nous propose des articles d’actualité ne répondant qu’à notre supposé centre d’intérêt, notre supposée appartenance politique, notre idéologie, etc.

Malheureusement, les algorithmes chargés de nous proposer des actualités sur notre Google, notre Yahoo, notre Facebook, s’appuient désormais sur un tel profilage. Ces articles ne font alors que nous conforter dans nos opinions. Ils nous montrent une réalité biaisée des parutions sur internet bien plus diverses.

Nos recherches ne nous présentent que la face du monde que l’algorithme a décidé de nous montrer, basé sur ce qu’il suppose qu’on a envie de voir. D’une certaine façon, il nous est ainsi retirée la possibilité de réfléchir, de débattre, de nous forger une autre opinion sur chaque sujet. Ce système enlève également toute audience à qui voudrait proposer, émettre une nouvelle idée, de nouveaux arguments. Il ferme le débat démocratique, contradictoire ; il enferme l’individu dans un agrégat de semblables ne pouvant que se rencontrer qu’entre eux.

Il est urgent de prendre conscience de notre manipulation par ces algorithmes et leurs suggestions. À défaut de les contraindre à une certaine impartialité, il faut de nous-même varier nos sources d’information, rester curieux et toujours aller chercher l’information, en faire une lecture active et ne pas accepter qu’elle nous soit seulement déversée, comme elle l’était par la télévision du siècle dernier.

Élie