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14Sep/16

Quand Monsanto fusionne avec Bayer

Bayer annonce ce mercredi 14 septembre un accord de fusion ferme avec Monsanto, une concentration germano-américaine qui a paru surprendre certains et inquiéter d’autres. Ce rapprochement des deux grands groupes crée la surprise d’autant plus que l’Allemagne n’est pas lui-même un pays favorable aux OGM.

Siège de Bayer à Leverkusen
Siège de Bayer à Leverkusen

Quand on parle de pesticides ou d’organismes génétiquement modifiés, Monsanto est généralement la première entreprise ciblée autant pour ses produits très connus que pour ses méthodes commerciales extrêmes (on se souvient encore des procès contre les agriculteurs qui avaient utilisé une partie de leur récolte comme semence).

Toute controversée qu’elle soit, cette multinationale américaine reste une référence en matière de biotechnologies agricoles. Surtout connue à cause du Round up, un herbicide largement commercialisé dans le monde entier malgré le fait qu’il contient du glyphosate, un principe actif désormais classé comme étant cancérogène (par le Centre international de recherche contre le cancer, le 20 mars 2015). En Europe, depuis le 6 juin, le glyphosate est provisoirement interdit pour une durée de 18 mois.

Le grand public quant à lui ignore l’existence de grands acteurs autre que Monsanto dans les biotechnologies agricoles. Et pourtant, le groupe Bayer s’est également diversifié et s’est orienté vers l’agrochimie depuis un peu plus d’une décennie. À la lecture de certaines réactions sur les réseaux sociaux lors de l’annonce du rachat de Monsanto par Bayer, il apparaît que les activités agrochimiques de Bayer sont plutôt méconnues. La firme allemande reste réduite souvent à sa branche initiale: la branche pharmaceutique. Or, depuis sa création en 1863, Bayer a diversifié ses activités, notamment en acquérant depuis 2002 la branche agronomique du groupe Aventis.

La société chimique allemande rencontre également sa part de controverse dans la commercialisation de ses produits. On a beaucoup entendu parlé du gaucho ces dernières années. Pointé du doigt par les apiculteurs qui clament un effet néfaste voire létal sur les abeilles, le gaucho est l’un des pesticides mis en vente par Bayer.

Siège de Monsanto dans le Missouri
Siège de Monsanto dans le Missouri

La fusion annoncée entre Monsanto et Bayer intervient dans un climat de défiance envers les pesticides et les OGM. Si la première société a multiplié les controverses, la seconde n’est pas exempte de conflits non plus.

Cette tendance à la concentration des firmes agrochimiques a été initiée par le groupe Monsanto, lui-même, en tentant en 2014 une OPA infructueuse sur la firme suisse Syngenta, finalement ralliée au chinois Semchina. Cette offensive a consolidé la volonté de la firme allemande Bayer de s’affirmer comme géant du secteur, peut-être par crainte d’être affaiblie face aux autres concentrations.

Ce rachat de Monsanto à 59 milliards d’euros permettra à Bayer d’avoir un bonne réserve de brevets mais aussi d’espérer un chiffre d’affaires annuel de 23 milliards d’euros. Est-ce fou d’espérer que le travail pour laver la réputation de Monsanto et donner une bonne image aux deux firmes fusionnées soit profond et passe par un examen minutieux de l’impact des biotechnologies agricoles sur la santé et sur l’environnement.

Quoiqu’on pense des semences génétiquement modifiées, il est évident qu’à un moment donné les sceptiques vont devoir consentir à mettre de l’eau dans leur vin et les fabricants devront se soumettre à une réglementation plus soucieuse de l’environnement. La question cruciale de nourrir une population mondiale sans cesse croissante, la volonté d’une alimentation qui respecte l’environnement et le patrimoine végétal impliquent l’appropriation des problématiques de l’alimentation durable par les acteurs de de l’agrochimie et d’agroalimentaire.

Selon la FAO, les régimes alimentaires durables contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes, sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains, et permettent d’optimiser les ressources naturelles et humaines.

Si l’OMS ou la FAO semblent désormais mobiliser pour promouvoir cette alimentation durable, elle ne sera toutefois possible que si les acteurs des biotechnologies agricoles ou ceux de l’agroalimentaire s’approprient les problématiques de cette alimentation respectueuse de la santé de tous et de l’écosystème.