À peine vient-on d’enlever nos masques pour Halloween qu’il va en falloir porter un autre, nous, moches et méchants-es que la journée de la gentillesse oblige à faire preuve d’une certaine bienveillance envers nos semblables. Ce monde est décidément un folklore sans fin.
Raisonner ainsi c’est se méprendre sur l’intérêt de cette journée de la gentillesse. Comme les journées du rire et du sourire, le but est de rappeler, pour les 364 autres jours, que la gentillesse est une valeur importante. Après, nul n’est obligé de s’y soumettre. Pour ceux qui se prêtent volontiers au jeu, qu’ils se sentent libres de continuer après minuit, toute l’année, toute votre vie durant.
On a tendance à oublier ce qu’est la notion de gentillesse. Elle échappe de plus en plus à ce qu’elle devrait évoquer de noble comme la bonté, le souci des autres. De nos jours, elle tend plutôt à être assimilée au fait d’être con, de se laisser marcher sur les pieds etc.
Rappelons-nous quand on était enfant, comment cette valeur nous servait naturellement à appréhender le monde: il y avait les gentils-les et les méchants-es. On aimait bien alors être dans le camp de la gentillesse. Adulte, on se rend bien compte que cette vision manichéenne était assez limitée. On met plus de nuance : on apprend par exemple que certaines amabilités ne sont que pure politesse, voire hypocrisie. La notion de méchanceté elle-même devient relative quand nous grandissons.
À défaut d’être gentil-le, on se cantonne à être aimable, ce qui est également assez noble. Or, l’amabilité n’est qu’un ersatz de gentillesse. Elle n’engage pas vraiment le cœur. C’est une gentillesse superficielle voire artificielle. La bonté et la bienveillance que suppose la gentillesse peuvent être totalement étrangères à l’amabilité.
Être aimable n’est parfois que pure façade pour l’hypocrite qui veut arborer une gentillesse feinte. L’hypocrisie étant « un hommage que le vice rend à la vertu »*, ne sous-estimons pas l’élaboration, le raffinement de cet hommage. La copie peut parfois faire passer l’original pour une usurpation.
L’essentiel, ce n’est pas de savoir si ceux qui nous entourent, feignent leur gentillesse. De toute façon, il serait difficile de le détecter réellement, on ne peut pas voir dans les cœurs. Gardons juste à l’esprit que certains savent très bien simuler la gentillesse à coup d’amabilités désarmantes. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
En réalité, beaucoup préconisent la gentillesse sur le lieu de travail. Elle permettrait une bonne ambiance de travail et moins de stress, ce qui se ressentirait sur les résultats. Sachons néanmoins que si la gentillesse toute désintéressée, toute pure n’est pas de notre goût, nous pouvons tout aussi bien nous distinguer par notre amabilité envers nos collègues, le but étant une bonne ambiance de travail.
L’essentiel serait de pouvoir déterminer soi-même si on est plutôt gentil-le ou juste aimable avec notre entourage. Lorsque notre bienveillance est conditionnée par la reconnaissance des autres ou par une stratégie, ce n’est certainement pas de la gentillesse. Si cette dernière fait réellement partie des valeurs auxquelles nous sommes attachés-es, sachons ne pas la feindre, sachons être bienveillants-es, entièrement, avec le cœur, quitte à passer pour des faibles.
Dina
* François de la Rochefoucauld