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16Oct/16

Pour une inimitié voulue et utile

C’est après notre article sur la sélection minutieuse de nos amis que la question du choix de nos ennemis nous a été soumise. Naturellement, personne ne souhaite avoir des ennemis. Cependant, malgré toute l’hostilité et la nuisance que cette relation peut entraîner, ne sous-estimons pas la valeur de nos ennemis dans notre évolution.

Quant à la question proprement dite de savoir si on choisit ses ennemis, la réponse ne va pas de soi. J’aurais tendance à répondre plutôt par l’affirmative mais il faut nuancer cette réponse affirmative. En effet, nous choisissons nos ennemis mais est-ce souvent par un procédé aussi conscient que la sélection de nos amis ou est-ce le fruit des circonstances ?

Dans une certaine mesure, nos ennemis sont simplement issus de notre positionnement ou de nos causes de prédilection. Si nous ne désignons pas directement pas un tel comme notre ennemi, il peut le devenir par notre choix de nous opposer à lui sur tel sujet ou dans tel combat. En l’occurrence, nous avons choisi notre ennemi en choisissant notre cause. Et en bon stratège, on sait qu’une cause ne se choisit pas à la légère ! Idéalement, on en aura évalué, en plus de son sens et de sa nécessité, les tenants et les aboutissants, les alliés et les opposants à notre cause avant de s’y engager. Ainsi, on aura d’une certaine manière choisi contre qui se battre en toute connaissance de cause.

Deux escrimeuses s'affrontent au fleuret électrique, l'une portant une attaque sur l'autre en défense.
Escrimeuses – Bay Cup UWF 1/19/14 TFC

C’est également le cas de l’ennemi en terme de concurrent, notre apparition sur un défi ou encore sur un marché, nous positionne comme adversaire de ceux qui y étaient déjà. Ici aussi, c’est un choix qui est fait en connaissance de cause. Normalement, si nous avons bien appris nos leçons, bien fait nos devoirs, avant même d’arriver sur ce marché, on sait et maîtrise les méthodes, les positions de nos ennemis et notre force de frappe face à eux.

Par ailleurs, dans un registre moins commercial, plus personnel, notre ami peut devenir notre ennemi. Choisir son ennemi se place dans le contexte plus large de choisir son entourage. Un ennemi ne vient pas de nulle part. C’est même de cette idée générale que découle l’idée de choisir avec soin ses ennemis. Oscar Wilde nous recommande de les choisir pour « leur bonne intelligence. Un homme ne saurait être trop soigneux dans le choix de ses ennemis. »

En choisissant parfois nos amis, nous choisissons nos potentiels ennemis. Sachez qu’il n’y a pas de plus redoutable ennemi qu’un ancien ami. Il y a cette intimité qui lui confère une certaine place et une certaine force. Un dénommé Adolphe d’Houdetot disait : « Convaincu que les ennemis se recrutent parmi les amis, je choisis toujours ces derniers en prévision du double rôle qu’ils peuvent être appelés à remplir. En agissant ainsi, j’ai des ennemis de mon choix. » Faut-il sélectionner nos amis en gardant à l’esprit qu’ils seront peut-être nos futurs adversaires ? J’avoue ne pas être à l’aise avec cette idée.

J’aimerais également pouvoir dire que si on choisit très bien ses amis, aucun risque qu’ils deviennent un jour nos ennemis. Mais c’est sous-estimer les mutations aléatoires des relations humaines et/ou surestimer les réels sentiments de nos amis à notre égard. Au mieux, nous nous serons assurés un ennemi qui a les mêmes valeurs que nous. Dès fois, ça compte de savoir la ligne de conduite de son adversaire, non ?

Des hommes politiques se frappent au parlement ukrainien.

J’en viens au point le plus crucial de cet article : choisir de ne pas être systématiquement l’ennemi de ceux qui voudraient nous désigner comme leur ennemi ; c’est, il me semble, sur ce point qu’on a une certaine marge de manœuvre à condition d’user de stratégie et d’adresse.

Comme Nietzsche l’affirmait : « il faut toujours choisir soigneusement ses ennemis, parce qu’on finit par leur ressembler ». Personnellement, j’ai toujours pensé qu’il faut tuer certaines inimitiés dans l’œuf. Parmi elles, ces inimitiés qui n’ont d’autres intérêts que celles d’être chronophages. Entendons que même nos ennemis doivent nous apporter une certaine satisfaction, un certain gain. Sinon, quel en est l’intérêt ?

Il faut rappeler que l’inimitié est une relation qui s’initie. La résoudre d’avance en ne créant pas de relation est parfois recommandée. Cela ne se joue souvent qu’à des petits détails, savoir laisser couler une provocation, ne pas répondre aux viles insultes. Cela relève de la maîtrise de soi. Ignorer une provocation ferme la porte à un acharnement inutile, à moins d’avoir affaire à un fanatique ou un harceleur. Tiens ! Serait-ce un persécuteur sur les réseaux sociaux, bloquez-le tout simplement.

Pour finir, ne cultivons pas l’inimitié ou toute la négativité qu’elle tend à soulever. Mieux vaut rester des adversaires courtois et élégants qu’organiser des bagarres sur la place du marché. Il en va de notre image, de notre crédibilité. L’idéal, c’est de savoir éteindre l’inimitié, la faire évoluer vers une certaine camaraderie.

Sur le plan économique, la concurrence stimule le marché. Néanmoins, un bon stratège ne manquera pas l’opportunité de s’asseoir avec son concurrent pour conclure une entente ou encore pour lutter contre un troisième larron. Il vous dira même que la meilleure manière de « tuer » son ennemi est de le racheter. Vous ne vous placez pas dans une optique entrepreneuriale ? Essayez quand même dans votre quotidien, c’est une formule éprouvée : « On fait mourir ses ennemis en les rendant ses amis » – Jean Baptiste Blanchard. Si nos amis peuvent devenir nos ennemis, pourquoi ne pas donner l’opportunité à nos ennemis de faire le parcours inverse ?

Anya