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12Mar/17

Ces personnages de séries qui nous poussent à l’introspection

On croit se connaître jusqu’à ce que les circonstances nous révèlent à nous-mêmes et aux autres. C’est au contact des épreuves qu’on se découvre réellement, qu’on connaît ses vrais désirs, qu’on se façonne. Ces deux personnages de séries nous poussent à regarder à l’intérieur de nous, à nous questionner sur qui l’on est vraiment. Ils nous montrent à quel point nos apparences innocentes peuvent cacher des personnalités insoupçonnées, peuvent refouler des désirs inavouables. On a l’impression qu’ils dupent leur entourage jusqu’à ce que l’on réalise qu’ils sont les premières victimes de leur imposture, qu’ils sont prisonniers de leurs propres artifices.

Noah Solloway dans The Affair

On arrive à bout de souffle à la fin de la saison 3, conçue normalement pour être la dernière, tant on est drainé dans un drame intense. Cette fin nous suffit. Mais une quatrième saison serait commandée pour cette série créée par Sarah Treem et Hagai Levi. On n’en peut plus du personnage de Noah, père aimant et attentionné qui s’est embarqué dans une « aventure amoureuse » avec Alison Lockhart, une femme mariée, ruinant leurs deux mariages, brisant sa famille, perdant l’estime de ses enfants. Cependant, on se rend compte qu’avant cette infidélité, l’apparent mariage heureux de Noah était un mensonge, une réalité façonnée, d’où son envie d’échappatoire.

Noah est un professeur de lettres à l’université et un écrivain qui n’avait pas encore connu de succès. Il se retrouvait dans l’ombre de son beau-père, un auteur éminent. Celui-ci l’a toujours traité avec mépris et condescendance. Incapable de faire respecter ses décisions pour sa famille, réduit à vivre dans une maison payée par sa belle famille, Noah se sentait pris en otage par sa femme dans un milieu bourgeois où il ne se sentait plus à sa place.

Même si les conséquences de son infidélité ont été ravageuses pour tout son entourage, Noah s’imagine vivre un amour rare qu’il ne veut pas laisser s’échapper alors que tout son univers s’effondre. On ne sait pas s’il a raison. Mais on sent qu’il est un être profondément brisé qui se fuit. En fait, il ne fuit pas la réalité, il la façonne à l’envi. En tant que romancier, il a une certaine maîtrise de cet art. On se rend compte au fil des épisodes qu’il est complètement perdu dans sa propre histoire et que cette confusion remonte à sa jeunesse.

Noah est attiré par Alison parce qu’ils sont tous les deux brisés. Contrairement à lui, dès le début, Alison reconnaît qu’elle « meurt lentement ». En effet, elle connaît les raisons de cette mort : elle a perdu un enfant, elle a d’une certaine manière renoncer à vivre depuis. Cette liaison a le mérite de l’avoir reconnectée à la vie. Noah, quant à lui, a envie de sauver Alison, de la protéger, mais il ne réalise que très lentement ses propres tourments.

Au delà des questionnements sur le mariage, The Affair nous entraîne dans une réflexion sur le désir. « On en vient à aimer son désir et non plus l’objet de son désir », disait Nietzsche. On se demande sans cesse si les « amants maudits » s’aiment réellement ou aiment plutôt leur passion, cette nouvelle sensation qui les réveille de leur mort respective, qui les renouvelle et qui défie leur entourage.

Walter White (Walt)

Dans Breaking Bad, la série créée par Vince Gilligan, le personnage de Walter White, incarné avec brio par Bryan Cranston, nous rappelle que l’enfer est pavé de bonnes intentions. En effet, ce chimiste brillant est devenu professeur et laveur de voitures pour joindre les deux bouts. Il apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon et qu’il n’en a pas pour longtemps à vivre. C’est un personnage qui est tout de suite attachant. Même s’il prend des mauvaises décisions, on comprend qu’il na pas le choix. Il faut qu’il paye ses soins et il faut qu’il assure les études de ses enfants ainsi que l’avenir de sa famille.

Aux grands maux, les grands remèdes : il se retrouve « malgré lui » à mettre son expérience de chimiste à profit et devient un fabricant notoire de méthamphétamines. Mais ce choix provisoire qu’il a fait pour assurer à sa famille une sécurité financière redéfinit toutes ses autres décisions. Il se crée un personnage fictif, Heisenberg, un véritable baron de la drogue, pour dérouter la police. Au fil des épisodes, on réalise que le nom de Heisenberg fait trembler le milieu impitoyable des trafiquants de drogue. Le contraste est saisissant entre Heisenberg et le mari soumis, le professeur chahuté, le laveur de voiture docile, le père affectueux qu’est Walter.

En cinq saisons, Walt, le personnage sympathique acculé par la maladie et les soucis financiers se transforme complètement en Heisenberg, le baron de la drogue, froid, calculateur, cynique. C’est à se demander si ce double maléfique n’était pas sa véritable personnalité. On se désole de réaliser qu’il s’enfonce de plus en plus dans l’horreur et que les raisons initiales de sa transformation ne sont même plus celles qui le poussent à continuer à fabriquer et à distribuer de la drogue.

Walter veut désormais dominer le milieu, éliminer ses rivaux, affirmer sa suprématie, asseoir son pouvoir et s’assurer une sorte d’impunité à tout prix. Même Jesse Pinkman, son ancien élève avec qui il s’est associé dès le début ne reconnaît plus Walter. Jesse est initialement le personnage problématique : il est sans volonté, peu brillant dans ses choix de vie, drogué et facilement manipulé par Walter. Cependant, des deux protagonistes, c’est lui qui se rend compte de la dérive de leur entreprise commune.

Walter, pour sa part, semble ne plus avoir de limites. À la fin, on en vient désespérément à chercher s’il reste encore un peu de Walter dans Heisenberg.

Élie

16Oct/16

Pour une inimitié voulue et utile

C’est après notre article sur la sélection minutieuse de nos amis que la question du choix de nos ennemis nous a été soumise. Naturellement, personne ne souhaite avoir des ennemis. Cependant, malgré toute l’hostilité et la nuisance que cette relation peut entraîner, ne sous-estimons pas la valeur de nos ennemis dans notre évolution.

Quant à la question proprement dite de savoir si on choisit ses ennemis, la réponse ne va pas de soi. J’aurais tendance à répondre plutôt par l’affirmative mais il faut nuancer cette réponse affirmative. En effet, nous choisissons nos ennemis mais est-ce souvent par un procédé aussi conscient que la sélection de nos amis ou est-ce le fruit des circonstances ?

Dans une certaine mesure, nos ennemis sont simplement issus de notre positionnement ou de nos causes de prédilection. Si nous ne désignons pas directement pas un tel comme notre ennemi, il peut le devenir par notre choix de nous opposer à lui sur tel sujet ou dans tel combat. En l’occurrence, nous avons choisi notre ennemi en choisissant notre cause. Et en bon stratège, on sait qu’une cause ne se choisit pas à la légère ! Idéalement, on en aura évalué, en plus de son sens et de sa nécessité, les tenants et les aboutissants, les alliés et les opposants à notre cause avant de s’y engager. Ainsi, on aura d’une certaine manière choisi contre qui se battre en toute connaissance de cause.

Deux escrimeuses s'affrontent au fleuret électrique, l'une portant une attaque sur l'autre en défense.
Escrimeuses – Bay Cup UWF 1/19/14 TFC

C’est également le cas de l’ennemi en terme de concurrent, notre apparition sur un défi ou encore sur un marché, nous positionne comme adversaire de ceux qui y étaient déjà. Ici aussi, c’est un choix qui est fait en connaissance de cause. Normalement, si nous avons bien appris nos leçons, bien fait nos devoirs, avant même d’arriver sur ce marché, on sait et maîtrise les méthodes, les positions de nos ennemis et notre force de frappe face à eux.

Par ailleurs, dans un registre moins commercial, plus personnel, notre ami peut devenir notre ennemi. Choisir son ennemi se place dans le contexte plus large de choisir son entourage. Un ennemi ne vient pas de nulle part. C’est même de cette idée générale que découle l’idée de choisir avec soin ses ennemis. Oscar Wilde nous recommande de les choisir pour « leur bonne intelligence. Un homme ne saurait être trop soigneux dans le choix de ses ennemis. »

En choisissant parfois nos amis, nous choisissons nos potentiels ennemis. Sachez qu’il n’y a pas de plus redoutable ennemi qu’un ancien ami. Il y a cette intimité qui lui confère une certaine place et une certaine force. Un dénommé Adolphe d’Houdetot disait : « Convaincu que les ennemis se recrutent parmi les amis, je choisis toujours ces derniers en prévision du double rôle qu’ils peuvent être appelés à remplir. En agissant ainsi, j’ai des ennemis de mon choix. » Faut-il sélectionner nos amis en gardant à l’esprit qu’ils seront peut-être nos futurs adversaires ? J’avoue ne pas être à l’aise avec cette idée.

J’aimerais également pouvoir dire que si on choisit très bien ses amis, aucun risque qu’ils deviennent un jour nos ennemis. Mais c’est sous-estimer les mutations aléatoires des relations humaines et/ou surestimer les réels sentiments de nos amis à notre égard. Au mieux, nous nous serons assurés un ennemi qui a les mêmes valeurs que nous. Dès fois, ça compte de savoir la ligne de conduite de son adversaire, non ?

Des hommes politiques se frappent au parlement ukrainien.

J’en viens au point le plus crucial de cet article : choisir de ne pas être systématiquement l’ennemi de ceux qui voudraient nous désigner comme leur ennemi ; c’est, il me semble, sur ce point qu’on a une certaine marge de manœuvre à condition d’user de stratégie et d’adresse.

Comme Nietzsche l’affirmait : « il faut toujours choisir soigneusement ses ennemis, parce qu’on finit par leur ressembler ». Personnellement, j’ai toujours pensé qu’il faut tuer certaines inimitiés dans l’œuf. Parmi elles, ces inimitiés qui n’ont d’autres intérêts que celles d’être chronophages. Entendons que même nos ennemis doivent nous apporter une certaine satisfaction, un certain gain. Sinon, quel en est l’intérêt ?

Il faut rappeler que l’inimitié est une relation qui s’initie. La résoudre d’avance en ne créant pas de relation est parfois recommandée. Cela ne se joue souvent qu’à des petits détails, savoir laisser couler une provocation, ne pas répondre aux viles insultes. Cela relève de la maîtrise de soi. Ignorer une provocation ferme la porte à un acharnement inutile, à moins d’avoir affaire à un fanatique ou un harceleur. Tiens ! Serait-ce un persécuteur sur les réseaux sociaux, bloquez-le tout simplement.

Pour finir, ne cultivons pas l’inimitié ou toute la négativité qu’elle tend à soulever. Mieux vaut rester des adversaires courtois et élégants qu’organiser des bagarres sur la place du marché. Il en va de notre image, de notre crédibilité. L’idéal, c’est de savoir éteindre l’inimitié, la faire évoluer vers une certaine camaraderie.

Sur le plan économique, la concurrence stimule le marché. Néanmoins, un bon stratège ne manquera pas l’opportunité de s’asseoir avec son concurrent pour conclure une entente ou encore pour lutter contre un troisième larron. Il vous dira même que la meilleure manière de « tuer » son ennemi est de le racheter. Vous ne vous placez pas dans une optique entrepreneuriale ? Essayez quand même dans votre quotidien, c’est une formule éprouvée : « On fait mourir ses ennemis en les rendant ses amis » – Jean Baptiste Blanchard. Si nos amis peuvent devenir nos ennemis, pourquoi ne pas donner l’opportunité à nos ennemis de faire le parcours inverse ?

Anya